Clarisse Crémer - TBS - Pogo 3 - Christophe Breschi

Entre hallucinations et bonheur intense, récit d’une 2ème course en solo

5jours, 4 nuits… seule au monde !
Encore une magnifique expérience qu’il m’aura été donné de vivre. Cette Mini en Mai 2016, avec ses 500 milles au solo au départ de la Trinité-sur-Mer, résonnera à tout jamais comme ma première « longue » expérience en solitaire. Couronnée d’un certain succès sportif puisque je termine à la 7ème place, après m’être bien battue et m’être montrée « coriace » pour reprendre les mots d’un concurrent que j’ai fini par réussir à laisser derrière. Hihi.

Un joli départ plus serein
L’expérience fait vite la différence. Les jambes flageolantes qui me paralysaient presque au départ de ma 1ère course en solo avaient (presque) disparues ! A moi la rage au ventre. J’ai malgré tout pris un départ assez prudent, ne voulant pas casser Pile-Poil. Mais sur le parcours côtier qui a suivi, j’ai tout donné ! Au point de le terminer en 2nde position. Je dois avouer être plutôt contente de moi, même si cela m’a un peu cramée pour les heures qui ont suivi. J’aurai au moins été 2ème au passage d’une bouée 🙂 Eheh

Clarisse Crémer - TBS - Pogo 3 - Christophe Breschi

Passage du rocher de la Vieille dans la baie de Quiberon, sympa le spi rose non ? – Photo Christophe Breschi 

Le spleen de la 1ère nuit
En début de soirée, j’ai tout à coup réalisé que j’allais être seule sur mon petit bateau pendant près de 5 jours. Ca m’a fait tout drôle ! Une sensation que je n’avais pas expérimentée depuis un départ en classe de neige en CM2 a ressurgi : la grande joie de partir vivre une belle aventure mêlée à l’inquiétude de l’inconnu. A chaque âge ses découvertes ^^

Un début bien agité
Cette 1ère nuit fut sans nul doute la plus agitée de toute la course : avec mon 1er casier dans les safrans (vaillamment découpé en moins de 2minutes), quelques vracs aux abords des Glénans lorsque le vent a forci et que j’étais encore sous grand spi, un joli bord sous gennaker jusqu’au Raz de Sein avec de belles pointes de vitesse, avant d’être cueillie comme une fleur à ce fameux Raz de Sein. Pour reprendre les mots de tous mes gentils concurrents « on a joué à saute mouton » ! La mer était tellement agitée que j’étais obligée de mettre le pilote automatique pour m’accrocher au bateau des deux mains. Le tout à 4heures du matin, c’est-à-dire fraiche et dispo.
La fin de nuit fut vraiment chaotique : j’ai fait n’importe quoi en envoyant la mauvaise voile et en allant au mauvais endroit entre Bas du Lys et la Chaussée de Sein. Heureusement que j’ai pu me reprendre par la suite car j’ai vraiment honte de ce tronçon !

Quand Eole est remplacé par la pétole :
La pétole, c’est ce gentil nom que l’on donne à ces moments sans vent ou presque… après une 1ère nuit blanche, s’en est suivie presque une 2ème tellement il était difficile de faire avancer le bateau. Et la 3ème journée ça ne s’est pas arrangé. Dur pour les nerfs ! On glisse, on marche tout doucement sur le bateau, on parle à voix basse, pour ne pas déranger l’avancée timide du bateau alors qu’on n’a qu’une envie : hurler son désarroi !

Pétole et sac de noeud

Un bateau pas très bien rangé, et qui n’avance pas, faute de vent ! Grrrrr…

Cerveau quand tu nous lâches, mes 1ères hallucinations
En mer, non seulement on se dépense beaucoup, mais en plus on ne dort pas énormément. On enchaine les siestes de 20minutes dès qu’on le peut, mais parfois on n’a pas trop l’occasion. C’est la bonne marche du bateau qui prime ! Ainsi, lors de cette course j’ai eu mes 1ères hallucinations liées à la fatigue. J’ai cru pendant un bon moment que quelqu’un était tombé à l’eau et m’appelait à l’aide… après avoir cherché frénétiquement à l’aide de ma lampe frontale tout autour de moi, j’ai finalement compris que c’était un bruit que faisait l’un des câbles du gréement du bateau. Un minuscule bruit aigu. Rassurant en fin de compte 🙂 Le soucis c’est que j’avais beau savoir ça, je n’ai pas arrêté de réentendre ce bruit et de jeter un regard paniqué autour de moi pour voir qui était tombé à l’eau…

Requin flippant et crabes flottants
Cette zone sans vent au large des côtes française aura été l’occasion de curieuses découvertes. La 1ère fut de petits crabes flottants qui nageaient en surface ! Il devait y avoir plusieurs centaines de mètres de fond à cet endroit là, que pouvaient-ils bien faire ? Mystère…
La seconde fut digne d’un tableau de naufrage : en m’approchant (curieuse) d’un gros morceau de bois flottant, je remarque que quelque chose bouge autour. Il s’agissait d’un joli aileron de requin ! Mon cerveau un peu fatigué a vite transformé la scène en une macabre découverte de cadavre forestier encerclé par les prédateurs… 😉

 

Clarisse Crémer - Lyophilisé & Co - Lyophilise.fr

Porridge à la framboise, un bon carburant pour commencer la journée, merci Lyophilisé & co !

Un sacré manque de zénitude
Après avoir bien géré les zones de transition, je me suis retrouvée dans le TOP5. Youhou !! Mais ma joie fut vite gâchée par une gestion très peu efficace d’un problème pourtant peu grave : un énorme amas d’algue autour de ma quille. A l’approche de l’île de Ré j’ai perdu 4 places en mettant d’une part beaucoup trop longtemps à me rendre compte de la raison pour laquelle j’étais si lente, et en perdant beaucoup trop mon sang froid lorsqu’il s’est agi de me débarrasser de mon algoculture. Après 3 tours sur moi-même, et des tentatives infructueuses avec une corde à noeud, j’ai fini par m’en débarrasser, mais ma rage était telle qu’il m’a fallu un bout de temps pour m’en remettre.

Le Redbull : c’est dégoutant mais efficace
Après l’épisode de l’algue pot-de-colle, il m’a fallu gérer la dernière nuit en mer et tenter de revenir sur le dernier concurrent qui était encore à ma portée : Henri Patou, skipper du 890. Je me suis battue jusqu’au dernier instant pour grapiller chaque mètre ! Dans cette entreprise, j’ai carburé au RedBull, un breuvage dégueulasse mais diablement efficace pour aller chercher les derniers grammes d’énergie que l’on a au fond de soi.

Clarisse Crémer - Pogo 3 - La Trinité sur Mer

Waouh la jolie lumière pour mon arrivée à la Trinité !
(voiles très mal réglées, le vent venait de prendre 10 noeuds d’un coup !)

Bilan ? Une aventure extra !!
Quel bonheur d’être sur mon petit bateau de 6m50, à se creuser la tête pour comprendre comment je peux aller plus vite, à profiter de lumières magnifiques, de ciels étoilés comme on n’en voit nul part ailleurs (enfin je n’ai pas été partout mais là c’était vraiment très beau 😉 )… j’ai même eu une petite pensée égoïste pour les automobilistes bloqués aux stations essences. Ces 5 jours ont été très éprouvant physiquement, mais tellement enrichissant psychologiquement. J’ai bien hâte de remettre ça !

Le podium de la Mini en Mai
1) Tom Dolan – 910
2) Pierre Chedeville – 887
3) Charly Fernbach – 869